En quoi une pratique des arts martiaux peut favoriser un chemin de travail sur soi ? Renforcer un positionnement de thérapeute ?
Amaël Ferrando évoque ces sujets en cherchant le sens de la pratique martiale…
Quelques mots sur la valeur de la pratique de l’art martial dans le développement personnel.
L’art martial est de plus en plus conseillé comme une pratique pour se développer, pour mieux se comprendre, pour mieux se connecter à soi-même, etc. Et il y a vraiment de bonnes raisons à ça.
La première, si on va chercher à la racine, c’est qu’on considère toujours qu’il y a deux polarités : il y a une polarité de vie et une polarité de mort. Et se former à des arts martiaux comme le systema, au départ, ça traite la polarité de mort, c’est-à-dire que ça traite la relation à la mort, à la morbidité, à la violence, etc.
C’est un apprentissage qui est indispensable pour aussi développer la polarité de vie, c’est-à-dire qu’on ne peut pas développer l’un sans l’autre. Donc la pratique martiale dans le fond c’est ça : c’est se connecter à la mort pour pouvoir aussi se connecter à la vie.
Des pratiques par exemple de méditation immobile pendant de très longues heures c’est une forme de relation à la mort : on ne sent plus le corps, on ne sent plus les gens, le sang circule beaucoup moins, etc. Il y a cette relation qui est cultivée
et qui permet de développer aussi la relation à la vie.
De même il y a par exemple des pratiques méditatives qui consistent à imaginer le corps comme un cadavre, qui se décompose, etc. Tout ça ce n’est pas fait pour vouer un culte à la mort, c’est fait pour traiter la relation à la mort de façon à aussi développer la relation à la vie. Ça c’est l’aspect vraiment fondamental de l’art martial. De façon plus pratique, l’art martial, dès qu’on travaille à deux et en général c’est le principe de l’art martial, le jeu ça va être toujours de chercher les failles chez l’autre, de mettre le doigt sur les faiblesses, les fragilités, les points faibles de l’autre. C’est un jeu qui se fait à deux, qui peut se faire et qui doit se faire avec beaucoup de bienveillance, beaucoup d’écoute, ça doit être dosé. Et ça permet à chacun de faire un vrai travail sur soi parce que ça permet de prendre conscience de nos propres difficultés, de nos propres blocages, de nos propres points faibles.
Par exemple il y a un ouvrage classique chinois qui s’appelle le « Sun Zi Bing Fa », ça veut dire « l’art de la guerre de Sun Zi »,
et dedans il y a une phrase qui était très souvent citée par mon enseignant : » Bu Zhuo Meng Dian, Chang Xi Da Xu «
ça veut dire : « Chercher les points aveugles », c’est-à-dire les endroits où la personne n’est pas consciente, où elle ne voit pas, et puis « Élargir les failles et agrandir les vides ». Chercher là où l’autre n’est pas conscient, et mettre le doigt dessus ou mettre le doigt dedans, ou mettre le sabre dedans, enfin bref : c’est un principe martial.
Mais ce principe martial il est très proche de ce qu’on va faire en thérapie, si on a une démarche sincère on va chercher les points faibles, mettre le doigt dessus, chercher les points aveugles c’est-à-dire les choses desquelles on n’est pas conscient. Et l’art martial doit nous connecter à un vécu intérieur, nous connecter à nos failles, à nos points faibles et nous permettre de les travailler de façon très sincère.
Quand je forme des personnes pour devenir praticien ou thérapeute l’idée c’est vraiment de partir de la transformation intérieure et cette transformation intérieure elle va s’exprimer ensuite dans les soins.
Donc tous les outils qui peuvent avoir de la pertinence pour développer cette posture intérieure sont précieux et sont importants, et c’est vrai que j’utilise beaucoup évidemment le Qigong, qui est un outil pour travailler le ressenti de l’énergie, mais le Systema ou d’autres pratiques martiales sont aussi vraiment précieux. Évidemment quand on fait des soins on ne fait pas des techniques d’arts martiaux sur les patients encore que, il y a vraiment un lien assez étroit, parce qu’il y a un lien sur la distance, il y a un concept de positionnement, un concept d’axe, etc. Toutes ces choses là elles se retrouvent dans la relation au patient mais de façon plus subtile.
Surtout la pratique martiale c’est une façon pour le praticien d’apprendre à se connaître, d’apprendre ses points faibles, d’apprendre son positionnement et de pouvoir être plus efficace quand il fait des soins.
Donc ça fait complètement partie de l’apprentissage des soins énergétiques ou du massage ou des thérapies en général, parce que c’est une façon de faire un point sincère avec soi-même.