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Qigong tuina, un art de la sensation – Journal MTC

Article paru dans l’actualité de la Médecine Chinoise
Article de presse Qigong Tuina
Article Qigong Tuina Amael Ferrando

Cet article, faisant suite à la parution du livre Qigong Tuina – Massage et Automassage, présente brièvement cette pratique, puis développe l’une de ses particularités : la sensation et la place qu’elle occupe dans le Qigong Tuina.

Le Qigong Tuina

Le Qigong Tuina est une spécialité de la Médecine Traditionnelle Chinoise développée par le professeur Bai Yunqiao (白云桥), intégrant de nombreux aspects de la culture médicale chinoise.
Il s’agit d’adjoindre à une pratique du Tuina les outils propres au Qigong (ressenti et utilisation de l’énergie), mais aussi différents points fondamentaux de la culture chinoise. Avec le Qigong Tuina, le professeur Bai a réalisé la synthèse de l’expérience des sept générations de sa lignée familiale, reconnue dans le monde médical chinois depuis la dynastie Ming.
La précision du diagnostic, héritée de la pratique en pharmacopée chinoise, est donc associée à l’utilisation de l’Énergie propre au Qigong, et à l’efficacité dans l’utilisation du corps propre aux écoles martiales. Surtout, c’est la compréhension de la culture chinoise traditionnelle (Taoïsme, Confucianisme et Bouddhisme notamment) qui donne toute sa profondeur au Qigong Tuina.

Ressentir, qu’est ce que c’est ?

Dans la pratique de la MTC, la sensation joue toujours un rôle central : la prise du pouls, par exemple, l’une des clés de voûte du bilan énergétique, n’est qu’une affaire de sensation tactile.
Mais quand on ressent, que se passe-t-il ?
Selon la théorie des Trois Trésors (三宝 San Bao), l’être humain, comme l’ensemble du Cosmos, est composé d’un corps (l’essence), d’une énergie, et d’un esprit.

L’essence est la structure de l’être, l’énergie est sa fonction, l’esprit dirige l’ensemble.

Dans le fait de percevoir, c’est l’esprit qui perçoit. L’énergie est le vecteur permettant la perception, l’essence est l’objet perçu. On peut donc considérer l’énergie comme l’intermédiaire entre le corps et l’esprit.
Formulé autrement, l’énergie est le rayonnement du corps, que perçoit l’esprit. Elle est à la fois la perception et la capacité de perception. Tout ce qui est perçu est donc énergie .
On dit aussi que tout dans l’univers est énergie : on comprend alors que l’esprit peut percevoir des informations émanant des mouvements et transformations de chacun des Trois Trésors.

L’ensemble de la MTC, du diagnostic au traitement, repose sur cette notion d’énergie. Même les formules de pharmacopée ou les prescriptions de diétothérapie sont considérées à travers l’effet qu’elles vont produire sur l’énergie, bien plus qu’en fonction de leurs constituants biochimiques.

La sensation, Origine de la MTC

A l’instar des anthroposophes occidentaux, qui ont développé toute une théorie médicale par la contemplation, de nombreux chercheurs chinois pensent que le développement du corpus médical chinois est en grande partie le fruit du ressenti.
Les mythes de Shen Nong, devenu transparent et observant en son corps le tropisme des substances médicales, ou celui de Bian Que, qui, désireux d’aider ses semblables, se serait enfermé un an dans sa chambre avec une seule aiguille d’acupuncture avant de rédiger ses classiques, en sont d’excellentes illustrations.

Et si la médecine chinoise avait été découverte à travers une écoute très fine du corps ?
Serait-il plus pertinent d’étudier les sensations consignées par d’anciens sages il y a quelques millénaires, ou de rechercher ces savoirs au sein de son propre corps ?

L’idée du Qigong Tuina est de ne se priver ni de l’un, ni de l’autre : étudier avec acharnement ce qu’ont ressenti les êtres qui nous ont précédés, et tenter de continuer soi-même ce travail.

La sensation dans le Qigong Tuina

La particularité du Qigong Tuina est double.
D’une part, il s’agit de proposer au praticien, à travers le Qigong et les pratiques méditatives, des méthodes pour développer de façon très significative cette capacité à ressentir . Le bilan énergétique devient plus précis, et on peut y adjoindre des techniques de diagnostic plus pointues, exclusivement appuyées sur le ressenti de l’énergie.
Chaque manœuvre est à la fois traitement et prolongement du diagnostic, dans un constant dialogue avec le corps, encore prolongé par les sensations (ou absences de sensation) du patient.

D’autre part, il s’agit d’envisager que tout ce qui est formulé dans le cadre de la MTC peut être ressenti. Le froid et la chaleur, le vide et la plénitude, mais aussi les 6 climats, les 7 sentiments, les 6 grands méridiens, etc.
Tout simplement parce que chacune de ces théories est, entre autres, la formulation de sensations.

Il en va de même de l’impressionnante somme de savoirs philosophiques accumulée par les anciens Chinois. Les classiques taoïstes, confucianistes et bouddhistes sont avant tout l’expression d’une expérience de vie, d’inspirations, de sensations.
Il ne s’agit donc pas de les « apprendre » ou de les comprendre intellectuellement, mais de les expérimenter et de les mettre à l’épreuve. En ce sens, des études en MTC commencent par l’Acupressure, qui permet d’expérimenter dans son propre corps le contenu des enseignements, avant d’aller vers les manœuvres plus complexes véhiculées dans l’enseignement du Qigong Tuina de la lignée Bai.
Le savoir philosophique traditionnel est comme un index tendu pointant une montagne. La démarche recommandée est de chercher à atteindre la montagne, pas forcément d’observer le doigt en détail.

C’est ce qui m’a sans doute le plus marqué dans mon apprentissage du Qigong Tuina : découvrir que chaque verset des textes philosophiques anciens trouve son application clinique en Qigong Tuina.
Il y a une lecture médicale à toute la sagesse antique, tout simplement parce que le corps est un petit univers. Quel que soit le sujet sur lequel les Anciens ont écrit (philosophie, art militaire, art du thé, alchimie interne, agriculture, etc.), le raisonnement peut en être extrapolé à la médecine. Et inversement, les concepts appris dans une formation on peut utiliser les concepts médicaux pour traiter un jardin, une société, un pays…

Et sa mise à l’épreuve

Mais il y a une condition fondamentale à ces démarches sensibles : l’épreuve du réel. Ce n’est qu’en se confrontant aux succès et aux échecs thérapeutiques que l’on peut vraiment discerner la précision de la sensation.
Concernant la philosophie traditionnelle, la clinique devient un véritable terrain pour éprouver la profondeur de la compréhension du praticien.
Ceci différencie notre approche de nombre de pratiques New Age dans lesquelles l’« intuition » est souvent la seule référence. En Qigong Tuina, les ressentis et raisonnements « inspirés » ne peuvent être validés qu’après avoir été éprouvés sur un grand nombre de patients. D’où l’importance de la transmission, non comme une vérité intemporelle, mais comme l’accumulation d’expériences passées, qu’il nous appartient d’éprouver et d’actualiser jour après jour.

A-t-on vraiment compris, a-t-on ressenti juste ?
Ce sont les patients qui nous le montrent.

Parvient-on à appliquer ce principe directeur du Qigong Tuina, emprunté au Qigong : Suivre Sa Nature (顺其自然 Shun Qi Zi Ran) ?
C’est l’épreuve de la pratique clinique qui permettra d’apprendre à discerner les conditionnements et illusions de l’élan du naturel.

Amaël Ferrando pratique et enseigne l’énergétique chinoise et le Qigong depuis 2004.
Héritier de la lignée médicale du professeur Bai Yunqiao, il est fondateur et directeur du Centre de formation et recherche en Qigong Tuina, dont la vocation est de développer et transmettre cette tradition médicale hors des frontières de la Chine en l’intégrant aux particularités du monde occidental.
Il est l’auteur du premier ouvrage de référence sur le Qigong Tuina :
Qigong Tuina – Massage et Automassage
450 pages, Format 29 x 29,7 cm, ISBN 2360470728, éditions Chariot d’Or.

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