Rencontre interreligieuse sur le thème du Toucher organisée par l’École des Sciences Philosophiques et Religieuses de l’Université Saint-Louis de Bruxelles.
Cette rencontre se propose de découvrir le toucher sous l’angle de trois traditions religieuses :
– L’Islam, notamment le courant du Soufisme,
– Le Christianisme Orthodoxe,
– Le Taoïsme Philosophique.
Intervenants : – Faouzi Skali (Islam), – Jean-Yves Leloup (Christianisme), – Amaël Ferrando (Taoïsme).
La rencontre est animée par Raphaël Gély, auteur et professeur de l’université Saint-Louis (Bruxelles). Cette rencontre a eu lieu le 17 mars 2022.
La vidéo
Intervention d’Amaël Ferrando :
J’aimerais partir du fait que le toucher c’est un de nos 5 sens. Et ces sens sont comme des portes qui nous permettent de connaitre le monde, de recevoir des sensations, des informations. Et en même temps ce sont des portes qui sont comme à double sens, qui permettent aussi de transformer ce qu’il y a autour de nous.
Et ça il me semble que c’est vrai pour tous les sens : par exemple si on prend l’écoute, la façon dont vous êtes en train de m’écouter, ça transforme un petit peu la façon dont je vais parler, ou ce qui peut sortir de moi, peut-être que ça va l’exalter ou au contraire le restreindre. C’est quelque chose qui est très subtil quand on parle de l’écoute ou quand on parle du regard ou de l’olfaction, c’est quelque chose de très agissant mais de très subtil, et avec le toucher il me semble que ce double sens il est beaucoup plus immédiat, on pourrait dire qu’il est dans une sorte d’équivalence, dans le sens où celui qui touche et celui qui est touché ont presque le même statut.
C’est-à-dire que celui qui touche, même si il touche avec sa main, sa main est touchée par l’autre, d’une façon beaucoup plus immédiate. Ça ça renvoie aussi à ce que la tradition chinoise classe en terme d’éléments, où le toucher est associé à l’élément Terre et donc à la matière du corps, à la chair, c’est quelque chose qui est plutôt en lien avec du concret, quelque chose de dense. Donc toucher quelqu’un ce serait un petit peu comme regarder quelqu’un dans les yeux, c’est-à-dire qu’il y a une réciprocité qui me semble souvent très présente, beaucoup plus que écouter quelqu’un ou regarder quelqu’un. J’ai cette sensation.
Et à partir de là, cette réciprocité elle fait aussi penser à la notion de polarité, donc Jean Yves l’a exprimé d’une certaine façon, là je l’exprime différemment : c’est l’idée que avec le toucher il y a deux choses qui se rencontrent, il y a deux corps ou deux matières qui se rencontrent dans le toucher.
Et le fait qu’il y ait deux matières ça sous-entend qu’il y a une dualité ou une polarité. C’est un des thèmes centraux dans le taoïsme, ces polarité qui sont souvent nommées Yin & Yang par exemple, et il me semble que dans beaucoup de traditions il y a cette idée que au départ de la création du monde, il y a une séparation. Donc dans la tradition chinoise ça ne fait pas exception : ça dit qu’il y a une sorte de déluge au commencement qui sépare le Ciel et la Terre, et après sépare l’Eau et la Terre, et petit à petit la création se manifeste comme une conséquence de cette séparation.
Enfin la création matérielle surtout. Et le toucher c’est comme si c’était un chemin qui inverse cette distance, c’est-à-dire que quand on touche on réduit cette distance à zéro, il y a un contact, et en même temps ça met en relief le fait que il y a une différence, une distance. Si on peut la résoudre ou la réduire, c’est qu’elle existe.
Et le toucher ça peut être comme ça une sorte d’outil ou de procédé pour transformer cette distance, que ce ne soit pas une opposition mais ça puisse être une harmonie ou à certains moments une sensation d’unité. [suite dans la vidéo ci-dessus]